Les deux côtés de la frontière

Le 25 juin 2019, dans tous les coins du monde et spécialement dans la société salvadorienne, des gens ont pleuré devant cette photo de Valeria, une fillette de deux ans, noyée avec son père, en essayant de passer la frontière entre Mexique et Etats Unis à Rio Bravo.

Il y a exactement un an, une autre photo avait aussi impacté le monde. C’était la photo d’une fillette hondurienne de deux ans qui pleurait quand les gardes-frontière américains essayaient de la séparer de sa mère à la frontière de Rio Grande (Texas). D’ailleurs un an après, le 25 juin 2019, le principal fonctionnaire du contrôle de la frontière des E.U. avec le Mexique a annoncé sa démission en raison des conditions inhumaines dans lesquelles sont confinés, dans des centres de rétention, les enfants qui ont été séparés de leur familles.

Ces images évoquent et amènent à la mémoire cette autre image de septembre 2015, sur les côtes turques, où le petit Alan Kurdi, syrien de 3 ans, face sur le sable, est mort noyé comme son frère de 5 ans et sa mère, en essayant d’arriver sur les côtes grecques. Cette image avait aussi secoué l’opinion publique internationale.

Ces images ne peuvent que serrer le coeur de tout être humain et le questionner au plus profond de lui même: Que fais-tu de ton frère? Qu’est-ce que tu deviens toi même si tu ne fais rien? Malheureusement, ces images ne sont que le commencement des drames que la sécheresse et le changement climatique vont étendre et généraliser.

Car les frontières où ces enfants meurent ne sont pas constituées par des mers, rivières et montagnes.

La frontière se trouve à l’intérieur du Honduras, le pays le plus inégalitaire de l’Amérique Latine dont l’histoire est jalonnée de coups-d’état-militaires et des complicités des Etats Unis pour défendre les intérêts d’une minorité au détriment d’une majorité.

La frontière se trouve à l’intérieur de l’Equateur, où les 0,5% des propriétaires possèdent 40 % des terres et 60 % des paysans n’en possèdent aucune et où la consommation en calories est la plus faible de l’Amérique.

La frontière se trouve à l’intérieur des Etats Unis où des milliers de sans-abri, comme à Los Angeles, côtoient le luxe des étoiles d’Hollywood.

Cette frontière se trouve, sûrement, tout près de chez nous.… parce que la frontière qui tue ces enfants est construite avec des actes d’avidité, de complicité et d’acceptation. Et nous aussi, nous faisons des petits et des grands choix qui élèvent  ou qui abaissent les frontières qui séparent l’humanité entre ceux qui se nouaient et ceux qui nouaient les autres.

Et le contexte climatique et le manque de ressources planétaires nous font  dire qu’il sera de plus en plus difficile de fermer les yeux et de rester à l’écart des frontières qui vont se hisser vers les cieux et qui vont provoquer encore plus de morts d’enfants.

Oui, il arrive le temps où pour « faire notre part »,  il faudra avoir le courage de nous opposer à ces frontières meurtrières. Il faudra du courage pour aller contre l’opinion majoritaire et crier contre les murs et demander l’accueil des gens qui fuient la famine et la guerre.

Oui, il arrive le temps où la solidarité, le partage, l’engagement social et solidaire, l’engagement pour vivre et consommer autrement, l’engagement pour répartir autrement les richesses deviendront des armes citoyennes pour s’opposer à la folie qui va se jouer aux frontières.

Oui, il arrive le temps où nous verrons venir à l’Accueil du Jour de plus en plus d’Africains, de Maghrébins et de Latino et nous devrons choisir de quel côté de la frontière nous voulons être.

Oui, il arrive le temps où « faire notre part » nous demandera, peut être, de prendre des risques pour casser les frontières appelées misère, oubli, irresponsabilité, et injustice.

Juste après avoir terminé d’écrire ces mots  me parvient la nouvelle parue aujourd’hui dans le journal Le Monde : « La maire de Montauban refuse d’ouvrir un centre d’accueil pour les sans-abri. En pleine canicule, Brigitte Barèges (LR) bloque la mise en service du bâtiment, financé par l’Etat et la fondation Abbé Pierre. Le préfet a saisi en référé le tribunal administratif. » https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/26/la-maire-de-montauban-refuse-d-ouvrir-un-centre-d-accueil-pour-les-sans-abri_5481713_3224.html

Voilà une illustration de ce que je viens de dire : Le choix des associations et du Préfet d’accueillir  ceux qui souffrent de la canicule et le choix d’une maire qui apporte une pierre à une frontière qui sépare encore plus les laissées pour compte et les autres. 

Honte aux bâtisseurs des frontières ! Vive l’effort pour les détruire !

Le 26 juin 2019

Mariano

Pour marque-pages : Permaliens.

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